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3.2. La règle morale peut-elle remplacer la règle de droit ?

Explication du second texte de Henri Mazeaud

QUESTIONS

  1. H. Mazeaud pense-t-il qu’une société pourrait fonctionner seulement à partir de règles morales ?
  2. Comme distingue-t-il les règles de droit des règles morales ?
  3. Pour chacun des trois arguments du texte, chercher un exemple pour l’illustrer.
Henri Mazeaud, La règle morale et la règle de droit (Extrait de son Cours de droit civil, 1954-1955)
« Il y a deux disciplines qui proposent aux hommes des règles de conduite ; il y a la morale, et il y a le droit. Alors une question se pose : est-ce que la morale n’est pas une règle suffisante, est-ce qu’il est nécessaire d’avoir, à côté de la règle morale, une règle de droit ? C’est nécessaire, parce que la règle morale ne peut à elle seule, gouverner une société, et cela pour trois raisons :
1° - La règle morale n’a qu’une sanction d’ordre intérieur, qu’une sanction morale, sanction qui, malheureusement, n’est pas de nature à effrayer beaucoup de personnes, à les empêcher d’enfreindre la règle, et à les obliger à réparer les conséquences de leurs infractions à cette règle. Il faut donc qu’une autre règle - et c’est la règle de droit - vienne créer une sanction plus efficace, qui, elle, contraindra matériellement les individus à ne pas faire ce qui est défendu, une sanction qui frappera ceux qui ont enfreint la règle et qui les obligera à réparer les conséquences des actes contraires à la règle. Une sanction juridique est donc indispensable ; on ne peut pas se contenter, pour organiser la vie en société, d’une sanction d’ordre moral.
(…)
2° - (…) la règle de morale est d’une nature trop haute ; du moins en est-il ainsi de la règle de morale chrétienne. Cette règle de morale est fondée en effet sur la charité, sur l’amour du prochain ; (…) Il y a deux idéaux différents : l’idéal de charité, et l’idéal de justice ; l’idéal de charité dépasse évidemment l’idéal de justice. La doctrine chrétienne enseigne que nous ne devons pas nous contenter d’être justes envers le prochain, qu’il faut encore la charité qui est au-delà de la justice. On peut dire que l’homme chrétien n’a pas seulement à être juste, qu’il a aussi à être bon. Il faut, si l’on veut être juste, rendre à chacun ce qui lui est dû ; mais il faut ensuite, et c’est un degré plus élevé, être charitable au-delà de la justice, c’est-à-dire savoir ne pas exiger son dû, supporter l’injustice, savoir rendre le bien pour le mal.
(…)
3° - Mais il est une autre raison pour laquelle la règle de morale ne suffit pas ; c’est qu’elle ne peut pas contenir une réglementation suffisamment complète, suffisamment précise, pour donner aux hommes cette sécurité dont ils ont besoin pour vivre en société. Il faut en effet, non seulement que nous connaissions les règles qui nous régissent, mais que nous les connaissions dans leur détail. Il faut que chaque fois que nous agissons nous sachions quelles seront les conséquences de nos actes. Or, la morale se contente de tracer de grandes règles, de poser de grands principes, et elle ne peut pas procéder autrement parce qu’elle varie avec chaque conscience. On ne peut pas demander à l’un ce que l’on peut demander à l’autre. C’est donc une règle nécessairement floue, nécessairement vague, très générale.
Ces grands principes suffisent pour guider notre conscience, mais ils ne suffisent pas pour nous donner la sécurité dont nous avons besoin dans la vie civile. »