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b) L’acte gratuit de Lafcadio : peut-on agir sans être déterminé par rien ?

LE CRIME DE LAFCADIO

Se rendant à Rome, Lafcadio, personnage du roman “Les caves du Vatican” d’André Gide, est assis dans un train où les portes s’ouvrent directement sur la voie, avec pour seul compagnon de nuit un vieux monsieur du nom d’Amédée Fleurissoire. Alors que Lafcadio observe le vieux bonhomme, il a subitement une idée. Comme il tient là, sous sa propre main, la poignée de la portière, il lui suffirait juste de la tirer et de pousser son compagnon de voyage et le tuer. Il n’a aucune raison de la faire, mais c’est justement cela qu’il veut : agir gratuitement, sans raison, afin de se prouver, par cet acte gratuit, s’on absolue liberté.

Sur le fond de la vitre, à présent noire, les reflets apparaissaient plus clairement, Fleurissoire se pencha pour rectifier la position de sa cravate.
« Là, sous ma main, cette double fermeture – tandis qu’il est distrait et regarde au loin devant lui – joue, ma foi ! plus aisément encore qu’on eût cru. Si je puis compter jusqu’à douze, sans me presser, avant de voir dans la campagne quelque feu, le tapir est sauvé. Je commence : Une ; deux ; trois ; quatre ; (lentement ! lentement !) cinq ; six ; sept ; huit ; neuf… Dix, un feu… »
Fleurissoire ne poussa pas un cri.