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2. La fonction morale des religions

Sommaire

Exercice :

  1. À l’aide du guide, formulez et expliquez la thèse de Critias, ses arguments et leurs conséquences
  2. Expliquez pourquoi la citation de Dostoïevsky confirme la thèse de Critias
  3. En quoi Paul Ricœur est-il opposé à cette conception de la religion ?

Critias

Critias (– 460-403), Sisyphe

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Notions complémentaires : la justice, la conscience.
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Guide : Dans ce texte, Critias décrit le passage de nos ancêtres de l’état de nature à l’état civil, c’est à dire d’une vie sans liens sociaux (dominée par les rapports de force naturels) à une existence sociale (régie par les lois civiles).

  1. Expliquez comment et pourquoi la vie en société nécessite l’invention des dieux.
  2. Quel effet cette invention a-t-elle sur la conscience, sur la vie intime des Hommes ? (dernière phrase du texte)
Il fut un temps où la vie des hommes était sans règle, comme celle des bêtes et au service de la force, où les hommes honnêtes n’avaient nulle récompense, ni les méchants, non plus, de punition. Je pense que c’est plus tard que les hommes établirent des lois punitives pour que la justice fût reine sur le genre humain et qu’elle maintînt les débordements en esclavage : on était châtié chaque fois qu’on commettait une faute. Plus tard, encore, comme les lois empêchaient les hommes de mettre de la violence dans les actes commis ouvertement, mais qu’ils en commettaient en cachette, c’est alors, je pense, que, pour la première fois, un homme avisé et de sage intention inventa pour les mortels la crainte de dieux, en sorte qu’il y eût quelque chose à redouter pour les méchants, même s’ils cachent leurs actes, leurs paroles ou leurs pensées. Voilà donc pourquoi il introduisit l’idée de divinité, au sens qu’il existe un être supérieur qui jouit d’une vie éternelle, qui entend et voit en esprit, qui comprend et surveille ces choses, qui est doté d’une nature divine : ainsi, il entendra tout ce qui se dit chez les mortels et sera capable de voir tout ce qui se fait. Si tu médites en secret quelque forfait, celui-ci n’échappera pas aux dieux, car il y a en eux la capacité de le comprendre.

Fiodor Dostoïevsky

« Maintenant supposons qu’il n’y a pas de Dieu ni immortalité de l’âme. Maintenant dites-moi, pourquoi devrais-je vivre avec droiture et faire de bonnes actions, si je vais mourir entièrement sur terre ? Et si c’est le cas, pourquoi ne devrais-je pas (tant que je peux compter sur mon intelligence et l’agilité pour éviter les être pris par la loi) couper la gorge d’un autre homme, voler, etc. »

Lettre de Fiodor Dostoïevski, écrivain russe du 19è siècle

Paul Ricœur

Ce qu’on appelle généralement la religion a à faire avec la bonté. C’est un peu oublié, en particulier dans plusieurs traditions du christianisme. Je veux dire qu’il y a une sorte de resserrement, de renfermement sur la culpabilité et le mal. Non pas du tout que je sous-estime ce problème (…). Mais, ce que j’ai besoin de vérifier en quelque sorte, c’est qu’aussi radical que soit le mal, il n’est pas aussi profond que la bonté. Et si la religion, les religions, ont un sens, c’est de libérer le fond de bonté des hommes, d’aller le chercher là où il est complètement enfoui.

Paul Ricœur, entretien donné en 2000