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3. Pourquoi parlons-nous ?

Sommaire

3.1. Les perroquets ne parlent pas

NOTIONS : LANGAGE, RAISON

René Descartes, Lettre au Marquis de Newcastle (1646)
Il n’y a aucune de nos actions extérieures, qui puissent assurer ceux qui les examinent, que notre corps n’est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu’il y a aussi en lui une âme qui a des pensées, exceptées les paroles, ou autres signes, faits à propos de ce qui se présente, sans se rapporter à aucune passion (1). Je dis les paroles ou autres signes, parce que les muets se servent de signes en même façon que nous de la voix ; et que ces signes soient à propos (2), pour exclure le parler des perroquets sans exclure celui des fous, qui ne laisse pas d’être à propos des sujets qui se présentent, bien qu’il ne suive pas la raison ; et j’ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent rapporter à aucune passion, pour exclure non seulement les cris de joie ou de tristesse, et semblables, mais aussi tout ce qui peut être enseigné par artifice aux animaux ; car si on apprend à une pie à dire bonjour à sa maîtresse, lorsqu’elle la voit arriver, ce ne peut être qu’en faisant que la prolation (3) de cette parole devienne le mouvement de quelqu’une de ses passions ; à savoir, ce sera un mouvement de l’espérance qu’elle a de manger, si l’on a toujours accoutumé de lui donner quelque friandise, lorsqu’elle l’a dit ; et ainsi toutes les choses qu’on fait faire aux chiens, chevaux et aux singes ne sont que des mouvements de leur crainte, de leur espérance, ou de leur joie, en sorte qu’ils les peuvent faire sans pensée. Or, il est, ce me semble, fort remarquable que la parole étant ainsi définie, ne convient qu’à l’homme seul.
1. Quelle est la fonction du langage, selon Descartes ?
2. Le langage se limite-t-il à la parole ?
3. Pourquoi, selon Descartes, les animaux ne sont-ils pas doués de langage ?

3.2. L’origine du langage : le besoin de communiquer

NOTIONS : LANGAGE, CONSCIENCE, INCONSCIENT

Friedrich Nietzsche, Humain, trop humain (1878)
La conscience n’est qu’un réseau de communications entre hommes ; c’est en cette seule qualité qu’elle a été forcée de se développer : l’homme qui vivait solitaire, en bête de proie, aurait pu s’en passer. Si nos actions, pensées, sentiments et mouvements parviennent - du moins en partie - à la surface de notre conscience, c’est le résultat d’une terrible nécessité qui a longtemps dominé l’homme, le plus menacé des animaux : il avait besoin de secours et de protection, il avait besoin de son semblable, il était obligé de savoir dire ce besoin, de savoir se rendre intelligible ; et pour tout cela, en premier lieu, il fallait qu’il eût une conscience, qu’il sût lui-même ce qui lui manquait, qu’il sût ce qu’il sentait, qu’il sût ce qu’il pensait. Car, comme toute créature vivante, l’homme pense constamment, mais il l’ignore. La pensée qui devient consciente ne représente que la partie la plus infime, disons la plus superficielle, la plus mauvaise, de tout ce qu’il pense : car il n’y a que cette pensée qui s’exprime en paroles, c’est-à-dire en signes d’échanges, ce qui révèle l’origine même de la conscience.
1. Expliquez comment la parole est apparue au sein de l’humanité, selon F. Nietzsche.
2. Expliquez la phrase : « La pensée qui devient consciente ne représente que la partie la plus infime, disons la plus superficielle, la plus mauvaise, de tout ce qu’il pense. »
3. À partir de ce texte, pensez-vous qu’il y a une différence de nature ou de degré entre l’humain et les autres animaux, et si les animaux sont eux aussi capables de langage ?

3.3. L’origine du langage : la formation des États

NOTIONS : LANGAGE, JUSTICE, ÉTAT

Aristote, Les politiques (VIe s.avant J.-C.)
Il est manifeste (…) que la cité fait partie des choses naturelles, et que l’homme est par nature un animal politique (…). Car, comme nous le disons, la nature ne fait rien en vain ; or seul parmi les animaux l’homme a un langage. Certes la voix est le signe du douloureux et de l’agréable, aussi la rencontre-t-on chez les animaux ; leur nature, en effet, est parvenue jusqu’au point d’éprouver la sensation du douloureux et de l’agréable et de se les signifier mutuellement. Mais le langage existe en vue de manifester l’avantageux et le nuisible, et par suite aussi le juste et l’injuste. Il n’y a en effet qu’une chose qui soit propre aux hommes par rapport aux autres animaux : le fait que seuls ils aient la perception du bien, du mal, du juste, de l’injuste et des autres notions de ce genre. Or avoir de telles notions en commun, c’est ce qui fait une famille et une cité.
1. Qu’est-ce que le langage et que permet-il, selon Aristote ?
2. Les animaux possèdent-ils pas le langage ?
3. Pourquoi les êtres humains le possèdent-ils ?