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1. À chacun sa vérité ?

Sommaire

La question du relativisme

En philosophie, le relativisme est une doctrine qui considère que toute affirmation est variable suivant les circonstances et les personnes. Pour une même question, il n’y aurait donc pas une seule réponse vraie possible, mais autant de vérités que de personnes, ou de sociétés pour ce qui concerne les questions morales et culturelles. Pour le relativisme, tous les points de vue personnels ont donc la même valeur (relativisme épistémologique), et toutes les cultures se valent (relativisme moral).

Repères du programme : absolu/relatif

Définition Absolu : ce qui existe en soi et par soi. Ce dont l’existence ou la valeur ne dépend de rien d’extérieur. Relatif : Ce dont l’existence ou la valeur est conditionnée par un élément extérieur, ce qui dépend du point de vue adopté.
Exemple Pour ceux qui croient en son existence, Dieu est absolu : il ne dépend que de lui-même pour être. Pour les athées, l’existence de Dieu est relative à chacun : elle dépend des croyances, et Dieu n’existe que parce que les êtres humains ont décidé de son existence.
Conséquences Il existe des vérités absolues si la réalité dont on parle ne dépend pas de nous pour exister. Par exemple : tout corps lâché dans le vide sur Terre tombe (cette affirmation de dépend pas de celui qui la prononce). Il existe des vérités relatives : ce sont toutes les affirmations qui dépendent de nous pour être vraies. Par exemple : ce candidat à l’élection présidentielle est meilleur que les autres (cette affirmation est relative aux convictions politiques de celui qui la prononce).

1.1. L’homme est la mesure de toutes choses

Cet extrait du dialogue Thééthète de Platon met en scène Protagoras, un célèbre philosophe grec, représentant de l’école des sophistes (mot qui vient du grec sophistès : « spécialiste du savoir »). Les sophistes sont considérés comme les ennemis de Socrate puis de Platon, qui leur reprochent de vendre leur savoir, mais surtout de ne pas chercher la vérité, le bien ou la justice, mais seulement leur propre gloire en défendant grâce à la rhétorique n’importe quelle opinion. Les sophistes jouent un rôle primordial dans la naissance de la démocratie à Athènes : grâce à leur enseignement de la rhétorique, ils apprennent aux jeunes Athéniens à argumenter leurs positions et à se faire une place dans la cité.

PLATON, Thééthète (Ve s. avant J.-C.)
Allons, bienheureux homme, poursuivra Protagoras, sois plus brave, attaque-moi sur mes propres doctrines et réfute-les, si tu peux, en prouvant que les sensations qui arrivent à chacun de nous ne sont pas individuelles, ou, si elles le sont, qu’il ne s’ensuit pas que ce qui paraît à chacun devient, ou s’il faut dire être, est pour celui-là seul à qui il paraît. (…) Car j’affirme, moi, que la vérité est telle que je l’ai définie, que chacun de nous est la mesure de ce qui est et de ce qui n’est pas, mais qu’un homme diffère infiniment d’un autre précisément en ce que les choses sont et paraissent autres à celui-ci, et autres à celui-là. Quant à la sagesse et à l’homme sage, je suis bien loin d’en nier l’existence ; mais par homme sage j’entends précisément celui qui, changeant la face des objets, les fait apparaître et être bons à celui à qui ils apparaissaient et étaient mauvais. Et ne va pas de nouveau donner la chasse aux mots de cette définition ; je vais m’expliquer plus clairement pour te faire saisir ma pensée. Rappelle-toi, par exemple, ce qui a été dit précédemment, que les aliments paraissent et sont amers au malade et qu’ils sont et paraissent le contraire à l’homme bien portant. Ni l’un ni l’autre ne doit être représenté comme plus sage — cela n’est même pas possible — et il ne faut pas non plus soutenir que le malade est ignorant, parce qu’il est dans cette opinion, ni que l’homme bien portant est sage, parce qu’il est dans l’opinion contraire. Ce qu’il faut, c’est faire passer le malade à un autre état, meilleur que le sien.
1. Quelle est la thèse de Protagoras sur la vérité et sur la sagesse ?
2. Comment la justifie-t-il ?
3. En quoi ces illusions d’optique illustrent-t-elle le point de vue de Protagoras ?

Repères du programme : objectif / subjectif

Définition Objectif : se dit d’une affirmation qui ne dépend que de l’objet pour être vraie, et sur laquelle tout le monde peut s’accorder. Subjectif : se dit d’une affirmation qui dépend du sujet qui la formule, de sa manière de percevoir les choses.
Exemple Par exemple, dire que « La Terre tourne autour du soleil » est une affirmation objective, car elle ne dépend pas de l’individu qui la prononce, et que tout le monde peut la vérifier. Par exemple, dire que le goût d’un aliment est agréable est subjectif, car cela ne dépend pas de l’aliment, mais de la perception du sujet qui le mange.
Conséquence S’il existe des vérités objectives, alors un savoir commun à tous les êtres humains est possible. On considère en général que c’est le cas pour la science. S’il n’existe que des vérités subjectives, alors il est impossible aux êtres humains de s’entendre sur des vérités définitives.

EXERCICE

Nos connaissances sont-elles selon Protagoras subjectives ou objectives ? Justifiez votre réponse à l’aide du texte.

1.2. La réfutation du relativisme

ARISTOTE, Métaphysique
Attacher une valeur égale aux opinions et aux imaginations de ceux qui sont en désaccord entre eux, c’est une sottise. Il est clair, en effet, que ou les uns ou les autres doivent nécessairement se tromper. On peut s’en rendre compte à la lumière de ce qui se passe dans la connaissance sensible: jamais, en effet, la même chose ne paraît, aux uns, douce, et, aux autres, le contraire du doux, à moins que, chez les uns, l’organe sensoriel qui juge des saveurs en question ne soit vicié et endommagé. Mais s’il en est ainsi, ce sont les uns qu’il faut prendre pour mesure des choses, et non les autres. Et je le dis également pour le bien et le mal, le beau et le laid, et les autres qualités de ce genre. Professer, en effet, l’opinion dont il s’agit, revient à croire que les choses sont telles qu’elles apparaissent à ceux qui, pressant la partie inférieure du globe de l’œil avec le doigt, donnent ainsi à un seul objet l’apparence d’être double ; c’est croire qu’il existe deux objets, parce qu’on en voit deux, et qu’ensuite il n’y en a plus qu’un seul, puisque, pour ceux qui ne font pas mouvoir le globe de l’œil, l’objet un paraît un.
1. Quelle est la thèse d’Aristote et en quoi s’oppose-t-elle à celle de Protagoras dans le texte précédent ?
2. Comment Aristote justifie-t-il sa thèse ?
Les principes de la raison
La logique est l’étude des règles que doit respecter tout raisonnement ou toute argumentation pour être correcte. Aristote en donne les principes fondamentaux au “livre Gamma” de la “Métaphysique”. Les raisonnements doivent, selon lui, s’appuyer sur des principes logiques pour être valables.
Aristote énumère trois principes de la raison :
Principe d’identité : A est A. Une chose est ce qu’elle est. Si j’appelle un « livre », un « arbre » ou un « chapeau », je ne suis plus dans l’ordre de la raison. Je suis dans l’irrationnel et personne ne peut plus me comprendre.
Principe de non-contradiction : A n’est pas non A. Une chose ne peut pas être et ne pas être en même temps et dans le même lieu. Je ne peux pas dire « il pleut » et « il ne pleut pas » concernant un même lieu et un même temps.
Principe du tiers exclu : A est soit = à B soit # de B, mais il n’y a pas de troisième possibilité logique. Par exemple, soit nous sommes le jour, soit nous sommes la nuit, mais il n’y a pas d’autre possibilité.

Exercice

Lequel de ces trois principes les sophistes ne respectent pas selon Aristote dans le texte étudié ? Justifiez votre réponse à l’aide du texte.