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2. Pourquoi travaillons-nous ?

Sommaire

2.1 Prométhée et la technique

Le mythe de Prométhée

Platon, Protagoras, LE MYTHE DE PROMÉTHÉE
NOTIONS : LE TRAVAIL, LA TECHNIQUE, La Nature
C’était au temps où les Dieux existaient, mais où n’existaient pas les races mortelles. Or, quand est arrivé pour celles-ci le temps où la destinée les appelait aussi à l’existence, à ce moment les Dieux les modèlent en dedans de la terre, en faisant un mélange de terre, de feu et de tout ce qui encore peut se combiner avec le feu et la terre. Puis (…) ils prescrivirent à Prométhée et à Épiméthée de les doter de qualités, en distribuant ces qualités à chacune de la façon convenable. Mais Épiméthée demande alors à Prométhée de lui laisser faire tout seul cette distribution : “Une fois la distribution faite par moi, dit-il, à toi de contrôler !” Là-dessus, ayant convaincu l’autre, le distributeur se met à l’œuvre.
En distribuant les qualités, il donnait à certaines races la force sans la vélocité ; d’autres, étant plus faibles étaient par lui dotées de vélocité ; il armait les unes, et, pour celles auxquelles il donnait une nature désarmée, il imaginait en vue de leur sauvegarde quelque autre qualité : aux races, en effet, qu’il habillait en petite taille, c’était une fuite ailée ou un habitat souterrain qu’il distribuait ; celles dont il avait grandi la taille, c’était par cela même aussi qu’il les sauvegardait. De même, en tout, la distribution consistait de sa part à égaliser les chances, et, dans tout ce qu’il imaginait, il prenait ses précautions pour éviter qu’aucune race ne s’éteignit
(…)
Mais, comme Épiméthée n’était pas extrêmement avisé, il ne se rendit pas compte que, après avoir ainsi gaspillé le trésor des qualités au profit des êtres privés de raison, il lui restait encore la race humaine qui n’était point dotée ; et il était embarrassé de savoir qu’en faire. Or, tandis qu’il est dans cet embarras, arrive Prométhée pour contrôler la distribution ; il voit les autres animaux convenablement pourvus sous tous les rapports, tandis que l’homme est tout nu, pas chaussé, dénué de couvertures, désarmé. (…)
Alors Prométhée (…) dérobe à Héphaïstos et à Athéna le génie créateur des arts, en volant le feu (car, sans le feu, il n’y aurait moyen pour personne d’acquérir ce génie ou de l’utiliser) ; et c’est en procédant ainsi qu’il fait à l’homme son cadeau. Voilà donc comment l’homme acquit l’intelligence qui s’applique aux besoins de la vie (…) Et c’est de là que résultent, pour l’espèce humaine, les commodités de la vie. (…) Les habitations, les vêtements, les chaussures, les couvertures, les aliments tirés de la terre, furent, après cela, ses inventions.
1. Résumez le mythe de Prométhée raconté par Socrate.
2. “_Épiméthée_” signifie étymologiquement ; “_celui qui réfléchit après avoir agi_” ; et “_Prométhée_” : “_le prévoyant, celui qui réfléchit avant d’agir_”. Expliquez en quoi le premier symbolise la nature et le second la culture.
3. Qu’est-ce qui distingue l’homme des autres animaux selon ce récit ?

4. “Prométhée dérobe à Héphaïstos et à Athéna le génie créateur des arts, en volant le feu” : expliquez en quoi la découverte du feu représente l’apparition de la technique (“les arts”) chez l’être humain.

Complément : Résumé vidéo du mythe de Prométhée

La néoténie

Peter SLOTERDIJK, La domestication de l’être (2000)
NOTION : LA NATURE
Selon les travaux des biologistes et des psychologues, l’enfant humain aurait besoin d’une gestation de vingt et un mois s’il devait atteindre dans le ventre de sa mère l’état de maturité qu’ont les primates à leur naissance. Or il doit naître au bout de neuf mois au plus tard, afin d’utiliser sa dernière chance de passer par l’ouverture du bassin maternel. (…) Le corps humain a pu se permettre, en raison de la technique de couveuse de groupe, avec son efficacité et sa stabilité à long terme, d’emporter dans le temps présent des éléments de son passé fœtal et infantile. C’est précisément pour cette raison qu’il doit apprendre à protéger d’une manière de plus en plus explicite ses propres couveuses - qu’on nommera plus tard : sa culture. (…) On pourrait ainsi dire : parce que les corps des pré-hommes deviennent de plus en plus des corps de luxe – et tout luxe commence par le fait de pouvoir être immature, de préserver et de vivre jusqu’au bout un passé infantile -, les hommes doivent se prendre eux-mêmes sous bonne garde et devenir des animaux soucieux, c’est à dire des créatures vivantes qui prennent aujourd’hui des mesures concernant le lendemain et le surlendemain.
1. Sloterdijk décrit dans ce texte le phénomène biologique de “néoténie”. Expliquez ce concept.
2. Qu’est-ce que la culture, selon Sloterdijk ? Pourquoi les autres animaux n’en ont-ils pas réellement besoin ?
3. Quel rapport voyez-vous entre cette théorie scientifique et le mythe de Prométhée ?

Complément : vidéo sur la néoténie

Prolongement : les animaux maîtrisent-ils des techniques ?

Les macaques du Japon

LE LAVAGE DES PATATES DOUCES CHEZ LES MACAQUES JAPONAIS

M. KAWAI (1965) rapporte le cas d’un comportement généré dans un premier temps par un individu, qui se diffuse par la suite à l’ensemble d’une population. L’étude porte sur une colonie de macaques ayant été implantée sur l’île de KOSHIMA pour des raisons écologiques. Parmi les aliments fournis aux macaques figurent des patates douces. En 1953 a été observée une innovation comportementale : IMO, jeune femelle âgée d’un an et demi, trempe dans l’eau les patates douces qu’elle ramasse, afin d’enlever le sable dont elles sont recouvertes.

Ce comportement nouveau va ensuite être diffusé à d’autres membre de la colonie. Cette diffusion passe d’abord, selon KAWAI, par une « propagation individuelle » : lors des premières années (jusqu’en 1958), seuls la mère d’IMO, ses compagnons de jeu et ses proches parents en bas âge reproduisent le comportement de lavage des patates. Dans une deuxième phase, dite de « propagation pré-culturelle », ce comportement tend à se généraliser à l’ensemble de la colonie : la plupart des mères adoptent le comportement de lavage, et les jeunes macaques, dès leur naissance, peuvent les observer exécuter cette activité. Le lavage des patates douces devient peu à peu partie intégrante du répertoire alimentaire.

KAWAI rapporte qu’en 1962, 73% des jeunes macaques lavaient leurs patates. Seuls les membres les plus âgés de la colonie demeuraient réticents : seulement deux des onze adultes de plus de 12 ans avaient adopté ce comportement…

[J.-L. Roulin, psychologie cognitive (2006)]

Vidéo du CNRS sur les macaques japonais

Cacatoès, corbeaux et singes

Extrait du documentaire “Les animaux pensent-ils ?”

2.2 Le travail et la conscience de soi

Georg Wilhelm Friedrich HEGEL, Esthétique (1835)
NOTIONS : LA CONSCIENCE, LE TRAVAIL
Les choses de la nature n’existent qu’immédiatement et d’une seule façon, tandis que l’homme, parce qu’il est esprit a une double existence ; il existe d’une part au même titre que les choses de la nature, mais d’autre part, il existe aussi pour soi. Il se contemple, se représente à lui-même, se pense et n’est esprit que par cette activité qui constitue un être pour soi.
Cette conscience de soi, l’homme l’acquiert de deux manières : primo, théoriquement, parce qu’il doit se pencher sur lui-même pour prendre conscience de tous les mouvements, replis et penchants du cœur humain ; et d’une façon générale se contempler, se représenter ce que la pensée peut lui assigner comme essence ; enfin se reconnaître exclusivement aussi bien dans ce qu’il tire de son propre fond que dans les données qu’il reçoit de l’extérieur.
Deuxièmement, l’homme se constitue pour soi par son activité pratique, parce qu’il est poussé à se trouver lui-même dans ce qui lui est donné immédiatement, dans ce qui s’offre à lui extérieurement. Il y parvient en changeant les choses extérieures, qu’il marque du sceau de son intériorité et dans lesquelles il ne retrouve que ses propres déterminations. L’homme agit ainsi, de par sa liberté de sujet, pour ôter au monde extérieur son caractère farouchement étranger et pour ne jouir des choses que parce qu’il y retrouve une forme extérieure de sa propre réalité.
On saisit déjà cette tendance dans les premières impulsions de l’enfant : il veut voir des choses dont il soit lui-même l’auteur, et s’il lance des pierres dans l’eau, c’est pour voir ces cercles qui se forment et qui sont son œuvre dans laquelle il trouve comme un reflet de lui-même. »
1. Expliquez comment, selon Hegel, l’humain acquiert la conscience de lui-même.
2. En quoi les paragraphes 3 et 4 pourraient décrire l’activité que l’on appelle « travail » ? Qu’est-ce que le travail peut apporter à l’être humain ?

Complément : définition de la conscience

→ Ouvrir la carte mentale sur la conscience