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1. La fonction psychologique des religions

Sommaire

Exercice :

  1. Formuler la thèse de chacun des trois textes : « La religion a pour fonction de… etc. »
  2. Comment Freud, puis James, commenteraient le texte de Saint-Augustin ? Comment chacun expliquerait sa conversion ?

Saint-Augustin

Les Confessions

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Les Confessions d’Augustin (écrites entre 397 et 401) représentent la première œuvre autobiographique de l’histoire. Saint Augustin y confesse ses fautes, et exalte la gloire de Dieu. Il raconte sa jeunesse débauchée et sa conversion au christianisme.
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Guide : Augustin compare dans cet extrait les joies terrestres et la beauté divine. Il explique comment il s’est perdu dans les premières, avant d’être appelé par Dieu.

Bien tard je t’ai aimée,
ô beauté si ancienne et si nouvelle,
bien tard je t’ai aimée !
Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors
et c’est là que je te cherchais,
et sur la grâce de ces choses que tu as faites,
pauvre disgracié, je me ruais !
Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi ;
elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant,
si elles n’existaient pas en toi, n’existeraient pas !
Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ;
tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ;
tu as embaumé, j’ai respiré et haletant j’aspire à toi ;
j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ;
tu m’as touché et je me suis enflammé pour ta paix.
Quand j’aurai adhéré à toi de tout moi-même,
nulle part il n’y aura pour moi douleur et labeur,
et vivante sera ma vie toute pleine de toi.
(…)
Ah ! malheureux ! Seigneur, aie pitié de moi.
Ah ! malheureux ! voici mes blessures, je ne les cache pas :
tu es médecin, je suis malade ;
tu es miséricorde, je suis misère.

SAINT-AUGUSTIN (354-430)
Né à Thagaste (aujourd’hui Souk-Ahras en Algérie), Augustin est d’abord un maître de rhétorique, qui achève sa formation à Milan, alors capitale de l’Empire romain. Capable de démontrer qu’on peut mentir en disant la vérité, il enseigne à Carthage où il se laisse séduire par les spectacles, entre en concubinage et a un fils à 17 ans. (…) À la suite d’une expérience mystique et sous l’influence de sa mère, Monique, Augustin se fait baptiser en Italie par Saint Ambroise, son ancien maître de rhétorique, et devient prêtre puis évêque d’Hippone, près de Carthage.
Source : Philosophie Magazine

Illustration : Fra angelico, Conversion de Saint Augustin (vers 1430-1435).
confession

William James

L’Expérience religieuse (1905)

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Notion complémentaire : le bonheur.
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Guide : William James tente de comprendre d’où vient la foi religieuse, et à quelle expérience psychologique elle correspond. Il part du problème suivant : certaines personnes perçoivent Dieu, entité spirituelle, comme une réalité sensible. Il donne dans ce texte une explication psychologique à ce paradoxe.

Nous pouvons admettre comme un fait indubitable que bien des personnes possèdent, de certains objets immatériels, non seulement une conception qu’ils tiennent pour vraie, mais une perception directe qui en fait comme des réalités sensibles. Il est temps de considérer la portée de ce fait dans le domaine de l’expérience religieuse. La foi en un objet divin est en proportion du sentiment qu’éprouve le croyant de la réalité présente de cet objet ; à mesure que ce sentiment devient plus intense ou plus vague, la foi devient plus vive ou plus faible.
(…)
Telle est ce qu’on pourrait appeler l’imagination ontologique ; telle est sa puissance de persuasion. On se représente des êtres qui semblent échapper à toute représentation, avec une intensité presque hallucinatoire. Ces vives impressions déterminent les actions et les sentiments, de même que la conduite d’un amoureux est gouvernée par l’image de l’absente.
(…)
Quant au sentiment, qui joue le premier rôle, comment le caractériser ? C’est sans contredit une excitation joyeuse, une expansion « dynamogénique » qui tonifie et ranime la puissance vitale. Nous avons vu à plusieurs reprises, notamment en étudiant la Conversion et la Sainteté, que l’émotion religieuse triomphe d’un tempérament mélancolique, donne à l’âme la persévérance et communique aux objets les plus ordinaires une valeur, un charme, un éclat tout nouveaux. C’est un état biologique aussi bien que psychologique ; Tolstoï exprime une vérité rigoureuse quand il appelle la foi ce qui fait vivre les hommes. (…) Nous en avons vu des exemples dans les soudains ravissements où l’on sent la présence de Dieu, ou dans les crises de mysticisme.

Illustration : film “L’apparition”

L’apparition (Xavier Giannoli, 2018)
Jacques, grand reporter pour un quotidien français reçoit un jour un mystérieux coup de téléphone du Vatican. Dans une petite ville du sud-est de la France une jeune fille de 18 ans a affirmé avoir eu une apparition de la Vierge Marie. La rumeur s’est vite répandue et le phénomène a pris une telle ampleur que des milliers de pèlerins viennent désormais se recueillir sur le lieu des apparitions présumées. Jacques qui n’a rien à voir avec ce monde-là accepte de faire partie d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur ces événements.

Sigmund Freud

L’avenir d’une illusion (1927)

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Notion complémentaire : la vérité.
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Guide : Freud, inventeur de la psychanalyse et penseur athée, part du principe que la croyance religieuse est une illusion. Il en donne dans ce texte une cause psychologique.

Ces idées religieuses, qui professent d’être des dogmes, ne sont pas le résidu de l’expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l’humanité ; le secret de leur force est la force de ces désirs. Nous le savons déjà : l’impression terrifiante de la détresse infantile avait éveillé le besoin d’être protégé – protégé en étant aimé – besoin auquel le père a satisfait ; la reconnaissance du fait que cette détresse dure toute la vie a fait que l’homme s’est cramponné à un père, à un père cette fois plus puissant. L’angoisse humaine en face des dangers de la vie s’apaise à la pensée du règne bienveillant de la Providence divine (…). Et c’est un formidable allégement pour l’âme individuelle que de voir les conflits de l’enfance émanés du complexe paternel – conflits jamais entièrement résolus –, lui être pour ainsi dire enlevés et recevoir une solution acceptée de tous. (…) Nous le répéterons : les doctrines religieuses sont toutes des illusions, on ne peut les prouver, et personne ne peut être contraint à les tenir pour vraies, à y croire.