Skip to main content Link Menu Expand (external link) Document Search Copy Copied

3. Le travail nous libère-t-il ?

Sommaire

Arbeit macht frei


Inscription en allemand “Arbeit macht frei” (“Le travail rend libre”) figurant au-dessus de la porte d’entrée du camp d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau.

Expliquez en quoi cette inscription est cynique et signifie dans ce camp le contraire de son vrai sens.

3.1. Aristote : Le travail est indigne de l’homme

ARISTOTE, Politique (Livre VIII)
NOTIONS : LE TRAVAIL, LA TECHNIQUE, la Liberté
Certes, il n’est pas douteux qu’il faut être instruit dans ceux des arts qui sont indispensables, mais il est manifeste que ce n’est pas à toutes les tâches – qui se divisent en celles qui conviennent à un homme libre et celles qui en sont indignes – qu’il faut participer mais à celles des tâches utiles qui ne transforment pas celui qui s’y livre en sordide artisan. Or on doit considérer comme digne seulement d’un artisan toute tâche, tout art, toute connaissance qui aboutissent à rendre impropres à l’usage et la pratique de la vertu le corps, l’âme, l’intelligence des hommes libres. C’est pourquoi les arts de ce genre qui affligent le corps d’une disposition plus mauvaise nous les disons dignes des artisans et nous le disons de même des activités salariées. Car ils rendent la pensée besogneuse et abjecte.
1. Expliquez pourquoi Aristote considère l’artisan comme « sordide », méprisable.
2. Pourquoi est-il indigne, pour un « homme libre », de travailler ?

3.2. Hegel : Le travail émancipe l’homme de la nature

Marx : il y a de la pensée dans le travail

Karl MARX, Le capital (1867)
NOTIONS : LE TRAVAIL, LA TECHNIQUE
(…) le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme. Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l’abeille confond par la structure de ses cellules l’habileté de plus d’un architecte. Mais ce qui distingue le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche.
En quoi le travail humain se distingue-t-il des activités des animaux, selon Marx ?

Hegel : la dialectique du maître et de l’esclave

Kojeve, Introduction à la lecture de Hegel (1958) :
LA DIALECTIQUE DU MAÎTRE ET DE L’ESCLAVE
NOTIONS : LE TRAVAIL, LA TECHNIQUE, LA CONSCIENCE, La Nature, la Liberté
Le schéma de l’évolution historique est donc le suivant : Au début, le futur Maître et le futur Esclave sont tous les deux déterminés par un Monde donné, naturel, indépendant d’eux : ils ne sont donc pas encore des êtres vraiment humains, historiques. Puis, par le risque de sa vie, le Maître s’élève au-dessus de la Nature donnée, de sa « nature » donnée (animale), et devient un être humain, un être qui se crée lui-même dans et par son Action négatrice consciente. Puis, il force l’Esclave à travailler. Celui-ci change le Monde donné réel. Il s’élève donc lui-aussi au-dessus de la Nature, de sa « nature » (animale) puisqu’il arrive à la rendre autre qu’elle n’est. Certes, l’Esclave, comme le Maître, comme l’Homme en général, est déterminé par le Monde réel. Mais puisque ce Monde a été changé, il change lui-même. Et puisque c’est lui qui a changé le Monde, c’est lui qui se change lui-même, tandis que le Maître ne change que par l’Esclave. Le processus historique, le devenir historique de l’être humain, est donc l’œuvre de l’Esclave-travailleur, et non du Maître-guerrier. (…) grâce à son Travail, l’Esclave peut changer et devenir autre qu’il n’est c’est-à-dire – en fin de compte – cesser d’être Esclave. Le travail est Bildung, au double sens du mot : d’une part il forme, transforme le Monde, l’humanise, en le rendant plus adapté à l’Homme ; d’autre part il transforme, forme, éduque l’homme, l’humanise (…). Si donc – au début, dans le Monde donné – l’Esclave avait une « nature » craintive et devait se soumettre au Maître, au fort, il n’est pas dit qu’il en sera toujours ainsi.
1. Découpez cette explication de la dialectique du maître et de l’esclave par Kojève en trois moments, en citant pour chaque moment les phrases qui vous semblent le mieux l’expliquer :
a. Première étape : la lutte, la naissance d’un maître et d’un esclave
b. Seconde étape : dépendance du maître et autonomie de l’esclave
c. Troisième étape : l’esclave cesse d’être esclave
2. Expliquez en quoi le travail, selon Hegel, libère l’humain de sa nature animale.

Complément : vidéo sur la dialectique du maître et de l’esclave

3.3. Marx : du travail aliéné au travail idéal

La division du travail

Adam SMITH, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des Nations (1776)
NOTIONS : LE TRAVAIL, LA TECHNIQUE
Les plus grandes améliorations dans la puissance productive du travail, et la plus grande partie de l’habileté, de l’adresse et de l’intelligence avec laquelle il est dirigé ou appliqué, sont dues, à ce qu’il semble, à la Division du travail. […] Prenons un exemple dans une manufacture de la plus petite importance, mais où la division du travail s’est fait souvent remarquer : une manufacture d’épingles. Un homme qui ne serait pas façonné à ce genre d’ouvrage (…) quelque adroit qu’il fût, pourrait peut-être à peine faire une épingle dans toute sa journée, et certainement il n’en ferait pas une vingtaine. Mais de la manière dont cette industrie est maintenant conduite (…), cet ouvrage est divisé en un grand nombre de branches, dont la plupart constituent autant de métiers particuliers. Un ouvrier tire le fil à la bobille, un autre le dresse, un troisième coupe la dressée, un quatrième empointe, un cinquième est employé à émoudre le bout qui doit recevoir la tête. Cette tête est elle-même l’objet de deux ou trois opérations séparées : la frapper est une besogne particulière ; blanchir les épingles en est une autre ; c’est même un métier distinct et séparé que de piquer les papiers et d’y bouter les épingles ; enfin l’important travail de faire une épingle est divisé en dix-huit opérations distinctes ou environ, lesquelles, dans certaines fabriques, sont remplies par autant de mains différentes.
1. Quels sont les deux modes d’organisation du travail possibles à l’usine selon A. Smith ?
2. Lequel est le meilleur et pourquoi ?

Complément : La division du travail à partir du XIXe s.

TAYLORISME ET FORDISME.

  • Le taylorisme est un mode d’organisation du travail inventé par l’ingénieur américain Frederick Winslow Taylor (1856-1915), visant à assurer une augmentation de la productivité fondée sur la maîtrise du processus de production, la séparation stricte entre travail manuel et travail intellectuel, une parcellisation des tâches et une standardisation des outils, des conditions et des méthodes de travail.
  • Le fordisme est lié au taylorisme dans la mesure où Henry Ford développe dans les années 1910 et prolonge les principes de l’organisation scientifique du travail qu’il applique dans sa production automobile. Mais la notion de fordisme va plus loin en y ajoutant le travail à la chaîne.

Marx : le travail aliéné

Karl MARX, Manuscrits de 1844
NOTIONS : LE TRAVAIL, LA TECHNIQUE, la Liberté
En quoi consiste l’aliénation du travail ?
D’abord, dans le fait que le travail est extérieur à l’ouvrier, c’est-à-dire qu’il n’appartient pas à son essence, que donc, dans son travail, celui-ci ne s’affirme pas mais se nie, ne se sent pas à l’aise, mais malheureux, ne déploie pas une libre activité physique et intellectuelle, mais mortifie son corps et ruine son esprit. En conséquence, l’ouvrier n’a le sentiment d’être auprès de lui-même qu’en dehors du travail et, dans le travail, il se sent en dehors de soi. Il est comme chez lui, quand il ne travaille pas et, quand il travaille, il ne se sent pas chez lui. Son travail n’est donc pas volontaire, mais contraint, c’est du travail forcé. Il n’est donc pas la satisfaction d’un besoin, mais seulement un moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail. Le caractère étranger du travail apparaît nettement dans le fait que, dès qu’il n’existe pas de contrainte physique ou autre, le travail est fui comme la peste. Le travail extérieur, le travail dans lequel l’homme s’aliène, est un travail de sacrifice de soi, de mortification. Enfin, le caractère extérieur à l’ouvrier du travail apparaît dans le fait qu’il n’est pas son bien propre, mais celui d’un autre, qu’il ne lui appartient pas, que dans le travail l’ouvrier ne s’appartient pas lui-même, mais appartient à un autre. (…)
On en vient donc à ce résultat que l’homme (l’ouvrier) ne se sent plus librement actif que dans ses fonctions animales, manger, boire et procréer, tout au plus encore dans l’habitation, qu’animal. Le bestial devient l’humain et l’humain devient le bestial.
1. Expliquez en quoi consiste l’aliénation du travail selon Marx
2. En quoi la division du travail théorisée par Smith, Taylor puis Ford serait-elle aliénante selon Marx ? Êtes-vous d’accord avec cela ?
3. Voir l’extrait des “Temps modernes” (Charlie Chaplin) et relevez les moments qui illustrent le concept d’aliénation du travail.

Charlie Chaplin, “Modern Times

Complément : vidéos sur l’aliénation au travail

Analyse philosophique et sociologique du concept d’aliénation

La philosophe Cynthia Fleury explique le concept de Marx

L’aliénation à l’usine : extrait de “Ressources humaines” (L. Cantet, 2000)

L’aliénation dans le secteur tertiaire : “Pizza Americana” (P. Carles, 1994)

Marx : le travail idéal

Karl MARX, Critique du programme de Gotha (1875)
NOTIONS : LE TRAVAIL, L’État, la Liberté, la justice
Dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l’asservissante subordination des individus à la division du travail et, par suite, l’opposition entre le travail intellectuel et le travail corporel ; quand le travail sera devenu non seulement le moyen de vivre, mais encore le premier besoin de la vie ; quand, avec l’épanouissement universel des individus, les forces productives se seront accrues et que toutes les sources de la richesse coopérative jailliront avec abondance, alors seulement on pourra s’évader une bonne fois de l’étroit horizon du droit bourgeois, et la société pourra écrire sur ses bannières : “De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins !
Marx décrit dans ce texte ce que serait le travail dans la société communiste sans État (l’étape finale de son programme politique utopiste, qui vient après le socialisme, régime politique dans lequel le prolétariat dirige un État fort mettant fin au capitalisme et à la propriété privée.

1. Décrivez la nature et l’organisation du travail dans la société communiste.
2. Êtes-vous d’accord avec cette vision du travail et de la société ?